L'amant

C'était lorsque le bateau avait lancé son premier adieu,
quand on avait relevé la passerelle
et que les remorqueurs avaient commencé à le tirer
à l'éloigner de la terre, qu'elle avait pleuré.
Elle l'avait fait sans montrer ses larmes,
sans montrer à sa mère et à son petit frère,
qu'elle avait de la peine, sans montrer rien,
comme c'était l'habitude entre eux.

Il était venu.
C'était lui, à l'arrière, cette forme à peine visible,
qui ne faisait aucun mouvement, terrassé.
Elle, elle était accoudée au bastingage,
comme la première fois sur le bac.
Elle savait qu'il la regardait.
Elle le regardait, elle aussi.

Elle ne le voyait plus,
mais elle regardait encore,
vers la forme de l'automobile noire.
À la fin, elle ne l'avait plus vue.
Le port s'était effacé, et puis la terre.

Une nuit, au cours de la traversée de l'océan Indien,
il s'était produit, dans le salon du pont principal,
l'éclatement d'une valse de Chopin.
Il n'y avait pas un souffle de vent,
et cette nuit-là, la musique s'était répandue partout
dans le paquebot noir,
comme une injonction du ciel
(dont l'objet était inconnu),
comme un ordre de Dieu dont on ignorait la teneur.

Elle avait pleuré,
parce qu'elle avait pensé à cet homme de Cholon,
son amant.
Elle n'avait pas été sûre tout à coup
de ne pas l'avoir aimé
d'un amour qu'elle n'avait pas vu,
parce qu'il s'était perdu dans l'histoire
comme l'eau dans le sable,
et qu'elle le retrouvait seulement maintenant,
à cet instant de la musique jetée à travers la mer.

Des années après la guerre, après les mariages,
les enfants, les divorces, les livres,
il était venu à Paris avec sa femme.
Il lui avait téléphoné.
Il était intimidé, sa voix tremblait.
Avec le tremblement,
elle avait retrouvé l'accent de la Chine.
Il savait qu'elle avait commencé à écrire des livres.
Il avait aussi appris la mort du petit frère.
Il avait été triste pour elle.
Et puis il n'avait plus su quoi lui dire.
Et puis il le lui avait dit.
Il lui avait dit que c'était comme avant,
qu'il l'aimait encore,
qu'il ne pourrait cesser de l'aimer,
qu'il l'aimerait jusqu'à sa mort.

情人

就在輪船發出第一聲告別聲響,
登船梯收起,
牽引機開始將船拉離陸地時,
她哭了。
她哭卻不讓人看見淚水,
不讓她的母親與弟弟知道
她在難過,她什麼都不表現出來,
這是他們之間的習慣。

他來了。
是他,在更遠處,那個依稀可見的人影,
沒任何動作、被擊垮了。
她,她將手肘靠在欄杆上,
跟第一次在渡船上一樣。
她知道他看著她,
她也一樣看著他。

她再也看不見他,
但她依舊望著,
那黑色車子的形狀。
最後,連黑點都看不見了。
港口消失了,接著是陸地。

某個夜裡,在穿越印度洋的時候,
從主甲板大廳內傳來
蕭邦華爾茲曲的輕脆琴聲。
當時沒有一絲風起,
在這個夜裡,黑色輪船裡,
處處盪漾著音樂聲,
像是(不知目的為何的)
上天旨意,
像是上帝高深莫測的命令

她哭了,
因為她想到堤岸區的那個男人,
她的情人。
突然間她不確定
是不是真的沒有愛過他,
用一份自己沒有看到的愛,
因為這份愛迷失在歷史洪流
如同沙中之水,
而她現在才再看見它,
在音樂傾洩入海的這一剎那。

許多年過去了,在戰爭、結婚、
生子、離婚、出書之後,
他帶妻子來到巴黎。
他打電話給她,
畏怯的他聲音顫抖著。
在顫抖聲中,
她認出中國的口音。
他知道她開始寫書,
他亦得知她弟弟的死訊,
他為她感到難過。
然後他不知道要跟她說什麼,
然後他跟她說,
他跟她說就跟從前一樣,
他依然愛著她,
他無法停止愛她,
他會愛她直到生命結束。











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    九月的春天 - On connaît la chanson

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